Emmaüs Nieppe samedi 1 Juillet 2017
« Juan les pins » 1963
« Décharge interdite »
Quelques pierres éparses sur la droite que la lumière vient mettre en valeur. Un poteau ferme la verticalité gauche de la photographie, à son sommet, une pancarte indique décharge interdite. Dans l’ espace étroit restant du poteau au bord de l’image, une femme brune aux lunettes de soleil à la poitrine saillante couverte d’une robe aux genoux et de ses souliers blancs regarde le photographe. Est-ce son épouse ? Fort probablement au vu de l’intensité de son regard. C’est la seule personne à regarder vers la chambre noire parmi le nombre incalculable de personnes grouillant sur cette anse offerte à la mer.
Juan les pins, tout un symbole! Le soleil, la chaleur, la baignade, la mer méditerranée avec la température clémente de son eau. Le cadrage est vertical, afin probablement de bien incorporer le panneau signalétique de la ville « décharge interdite ». Derrière les anciennes maisons, des immeubles sont en construction. Nous sommes en 1963, pleine expansion du tourisme, la petite ville de Juan les pins va rapidement devenir une station de prédilection pour tous. Le ciel semble nuageux, signe d’une forte chaleur. De nombreuses personnes se baignent, certaines avec un caoutchouc blanc sur la tête. Ce paysage présente une mutation indéniable de notre société, la colline est déjà touchée par une barre horizontale qui tranche avec le château flanqué de ses quatre tours au sommet du mamelon. D’autres constructions sont présentes et parsèment la colline.
C’est un véritable capharnaüm, cette anse de mer à Juan-les-Pins. C’est tout son charme, une confusion où tout le monde se sent bien et vit pleinement ses vacances à la mer.
Une femme en bikini blanc prend la température de l’eau, un homme marche d’un pas franc mais
l’attraction principale reste la baignade. Toutes les personnes sont occupées à quelque chose, les enfants s’amusent avec le sable, les adultes sont en activités et de-bouts. Je ne vois que peu de personnes allongées en train de faire la sieste. Non, une activité intense règne dans ce paysage marin. Tout est action comme dans le monde du travail. Soit c’est la nage ou les châteaux de sable, ou le bateau mais pas de bronzage comme nous pourrions l’envisager normalement sur une plage ensoleillée contemporaine. Il n’y a pas plus d’une vingtaine de parasols dressés sur la plage. Ce qui indique bien, vu le nombre de personnes dans l’anse que l’espace vital restant est nul. Ceci montre que le jeu relève bien d’un acte où toute l’attention est sollicitée. Homme, enfant ou adulte continuent durant les vacances à se dépenser frénétiquement, à vivre pleinement. C’est un vrai bonheur de promener son regard dans cette image.
Il y règne une chaleur intense, les baigneurs se mélangent avec les pierres blanches et la dame brune, la seule ne faisant rien, attend, droite comme le poteau que son homme finisse sa photographie. Sait elle qu’au dessus de sa tête, il est indiqué « décharge interdite » ? Signalétique très répandue en France à cette époque où les décharges sauvages avec les nuisibles en primes étaient répandues sur l’ensemble du territoire et même à Juan-les-Pins.
Une photographie de Juan les pins actuelle est méconnaissable. C’est un espace désertique où les Yacht au loin trônent et où l’activité intense du jeu a laissé place à une certaine oisiveté fade de l’homme contemporain avec l’odeur de la crème solaire en prime. Les immeubles ont remplacés les maisons provençales … Tout va bien. C’est sûr, il n’y a plus de décharge et la vie sans débordement a remplacé le capharnaüm de 1963.