Sans titre :

D'un pont à l'autre parfois on se croise sans se voir ou sans se reconnaître notre double se joue de nous l'ange s'envole quand le château de sable s'enfonce dans le creux des vagues vortex l'enfant qui vit en nous regarde toujours vers l 'infini la vie est un jeu d'échecs j'avance ma reine et tu me prends en oblique jeu de go noir et blanc tout ce rose des fleurs n'est qu'éphémère comme le rire ou l'éclat de l'accordéon j'aime la joie dans ton regard une mèche de cheveux dans le vent au loin ce bateau dans le port déjà bien trop éloigné petit point à l'horizon levons nos verres à la vie à l'amour de vivre à l'infini de la vie qui se love en nous en chacun de nous à cet Un fini qui se tend comme un soleil qui offre ses rayons de bonheur un soleil qui se donne non pas un soleil mort qui avale ses rayons un soleil de lumière qui glisse comme un cygne sur l'écume des vagues neige et nuage la danse du cygne limpide voix aérienne fluide un corps muet tendu des pas sur le sable des pas sur la mer des pas sur les rives de l'enfance ininterrompue empreintes ou traces sur le silence c'est le murmure du coeur cet autre murmure des rêves qui emplit l'espace impromptu d'un vagabondage voici un songe perdu oublié blotti dans la poussière d'un exil et ce cri en moi en toi en tous le cri de naître à travers la déchirure de partir vers ailleurs se taire ou chercher encore trouver un sens à tout ça ne jamais abandonner lutter et chanter quand tombe la pluie c'est sur une barque bleue que chacun sillonne l'éternité entrevue c'est vers soi même que chacun chemine il pleut et c'est l'automne les feuilles rouges jaunes mordorées tombent doucement sur la terre humide le ciel est bas trop bas de la brume entre les arbres marcher dans le silence marcher et ne rien entendre ne plus rien voir ne plus rien vouloir s'abandonner s'en aller revenir et partir encore partir toujours ne jamais se lasser d'un pont à l'autre parfois on se croise on se trouve et on s'oublie le dieu mort se rit de nous le sang bat dans nos tempes l'échiquier est posé sur le sol les pièces du jeu sont éparpillés le roi a roulé vers la cheminée le chat miaule à la porte dehors il fait doux quelques roses aux pétales lourds se dressent encore le héron regarde les poissons dans le bassin c'était hier l'avenir n'en finit pas de toujours être là j'irai par la route et je m'arrêterai sur la plage j'écraserai les coquillages vides le vent jouera autour de moi les mouettes crissantes tournoieront demain il fera jour couleur de parapluie parfum de pluie voile de lune l'oiseau étonné s'envole un visage paysage sur une image je sais que je dors je trouve d'anciennes photographies dans une armoire vide sur le bord de la route tout se transforme sans cesse entrecroisements de mots et de lèvres comme l'enfant au coeur de la nuit et le silence où elle court sur la plage vide des algues brunes ailes déployées corps promis aux diaphanes métamorphoses un flot de nuit s'attarde sur la digue des ombres s'accrochent à l'angle du lampadaire un bout de ciel ivre un morceau du manteau de la nuit l'étoile qui brille chevauchée d'hypnos présence sur le tapis de longue mémoire mélopée ou cadence d'un Faust errant où est le centre ? c'est un temps de pommes et de cendres est il possible de s'asseoir sous l'érable rouge ? atmosphère chargée de graffitis l'enfant lentement se penche vers le puits la petite fille se délivre des tremblantes incertitudes l'homme saisit le mystère des larmes jusqu'à la limite de sa force et les vagabonds du solstice se tendent comme un arc musique de lotus et d'eau j'imagine des lettres bleues encore tout ce bleu luciole et libellule et la mer encore la mer paysage de voyage sur page blanche…

véronique Guerrin

Audresselles

Audresselles








Emmaüs Nieppe 1 Juillet 2017 « Verbier la piscine» Août 1961

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Le personnage principal campé de pied, en maillot de bain une pièce aux motifs marins présente un joli sourire serein au bord d’une piscine en pleine montagne. La verticalité, le regard centré du photographe, impliquent une position de rupture en se mettant au niveau de son modèle. Ainsi, le photographe nous délivre une complicité intime sans artifice. C’est probablement le même photographe que celui de la scène au papillon. Le genou droit de la jeune fille légèrement plié vers le photographe donne l’impact de l’action. La découpe de l’ombre sur le sol laisse apparaître quelques taches de lumières. Celles-ci accentuent le léger mouvement du corps. L’ombre nous affirme que la lumière solaire est à la droite du photographe et c’est probablement la fin de l’après midi. Nous sommes dans les Alpes, un toboggan, une piscine, quelques personnes allongés recouvertes d’un bob se reposent un peu plus loin.

C’est une photographie qui ne laisse pas indifférente. La présence au premier plan de la jeune fille prenant presque les deux-tiers de l’image en verticale m’a fait penser à une peinture de Lucas Cranach « les trois grâces ». N’est il pas singulier d’avoir une grâce photographique devant nos yeux ? 

Ce photographe aime la précision du détail, il connaît son support et sait ce qu’il peut en obtenir, rien n’est laissé au hasard. La composition est simple, rigoureuse. La montagne se situe en dernier plan ; La descente du toboggan va reprendre la légère inclinaison de la montagne mais d’une façon plus abrupte, toutes les deux seront finalement stoppés par le bord blanc du papier photographique. Cette horizontalité descendante est compensée par la verticalité du sujet principal. Rien ne perturbe la lecture sensorielle de l’image.

La femme assise sur le sol, sa main gauche posée sur son genou replié vers elle, vient par sa simple présence nous indiquer un moment de détente estivale. Le jeune garçon au troisième plan sur la droite grimpe sur l’échelle du toboggan. Au deuxième plan c’est la tête d’un baigneur dans la piscine qui regarde à l’exact opposé de la jeune fille. À chaque fois, ce sont des minis scènes qui se déroulent devant nos yeux.

Ce qui est frappant, c’est le sourire complice du sujet. D’habitude sur une photo, nous avons droit à un regard comme imposé par la circonstance, pas ici, rien de tout cela, pas de démonstration. La jeune fille regarde probablement sa mère ou une tante, sa tête est tournée d’un tiers à droite, son sourire contenu se confond par sa présence au monde avec celui de la Joconde. Ce moment de vie contemporain, à la montagne, sans les grottes du maître italien est à l’inverse de son sfumato un paysage photographique n’abolissant pas les contours et néanmoins, une légère brume estival se dessine sur les flans des coteaux. Une grâce moderne se dégage dans cette scène de fin de journée, un moment d’éternité plaisant à parcourir et que le photographe nous fait partager.

Seul le visage de la jeune fille se trouve sur une surface neutre : le ciel dégagé avec un léger nuage sur sa droite semble sortir de nulle part. Une femme assise, son dos appuyé contre un lampadaire, vêtue d’un bikini avec un bob et des lunettes solaires prend une pose lascive perdue dans ses pensées.

Je parcours ce temps de vie sur la toile electronique en un clin d’œil ; que vois t’on ? Verbier grand festival de musique classique, piscine en plein air chauffée et pistes skiables, voilà qui pose le décor d’une station ou tout est réservé pour la détente hors du stress quotidien de la capitale. « La montagne magique » La Suisse apporte toute les possibilités pour réaliser l’idéal du « sans souci ». Cela ferait le slogan idéal des années soixante. l’époque des trente glorieuses quand tout était possible. 

Dans ce temps de l’histoire et de l’image, il y a une complicité entre le modèle et celui qui regarde. La pose innocente, candide contraste avec un lieu réservé aux loisirs alors que nous sommes en pleine montagne dédiée à la vie pastorale. La piscine a remplacé les chemins pastoraux, la montagne devient celle des touristes, nous sommes bien entrés dans les métamorphoses du vingtième siècle.

Emmaüs Nieppe 1 Juillet 2017

 « Verbier la chasse au papillon » Août 1961

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En suisse, domaine des quatre vallées, une pente douce, des herbes sauvages, c’est l’été. La neige a fondu, une jeune fille tenant son filet attrape avec sa main droite des papillons. l’image est parfaitement centrée, avec son seul personnage central, juste un peu décalé vers le bas. Le photographe, le père ou la mère de l’enfant donne à voir le paysage qui s’étend sur une pente importante ; avec des chalets disséminés sur le coteau. Nous avons en tout dernier plan les hautes montagnes des Alpes Suisses. C’est un paysage bucolique où le regard attentif peut se promener sans se lasser des couches nombreuses composants cet espace. Sur la gauche de la photographie juste après le deuxième plan : un poteau électrique, une grosse voiture Américaine y est stationnée. Ceci apporte à cette scène estivale son ancrage dans son époque contemporaine, la Simca. La voiture n’est pas plus importante mais elle fait partie du tout, on sent qu’elle a été vue et incorporée au cadre. Le contraste est quand même saisissant entre la joie enfantine du jeu de capturer un papillon et cette voiture présente dans la montagne alpestre. D’ailleurs cette automobile est peut-être celle du photographe, nous pouvons le penser.

Les chalets en bois au troisième plan se répartissent joyeusement, l’espace paysagé que le filet habilement conduit par le bras droit de la jeune fille. 

Les mailles en plastique gonflées par le vent emprisonnent déjà les ailes de la liberté et reprennent la forme architecturale des chalets. L’image argentique du noir et du blanc renforce la tendre dualité de ce moment de vie. Sous un soleil avec si peu d’ombre une forte chaleur semble probable, cette scène se déroule dans un cadre parfaitement idyllique. Pas un seul autre personnage dans l’espace visuel, pas d’animaux alentours, rien que la jeune fille aux chaussettes blanches, à la robe également blanche, aux formes géométriques et probablement un papillon dans son filet. Ses chaussures ne nous sont pas visibles mais la jeune fille n’est pourtant pas coupée de son enracinement terrestre. Dans cet espace temps, rien de criminel envers la nature, juste la soif de contempler les ailes d’un spécimen rare volant de graminée en graminée. Le cadrage n’est pas banal non plus, non fuyant il apporte une rigueur par sa verticalité avec une certaine fragilité marquée par les herbes et s’éclaircissant par leurs mouvements portées par la lumière. Au dos de l’image, une date : Août 1961, voilà de quoi nous apporter l’élément clef du soleil à son plus haut point en ce moment de l’année. Il réside dans cette scène un désir de garder un souvenir. Il y a plus que cela, inconsciemment une liberté sincère s’en dégage. La joie de voir une vie qui va se métamorphoser, franchir l’âge nubile et s’incarner totalement au monde. Il y a dans cette photographie trouvée à Emmaüs une grâce que l’on découvre dans la peinture de Balthus. Un personnage principal féminin avec un répond : son environnement, ceci sans que l’un n’empiète sur l’autre. La jeune fille à la chevelure blonde n’est pas devant une fenêtre avec un livre et un chat pas très loin, mais penchée, concentrée, elle regarde vers son filet avec attention et voit déjà la poudre colorée des ailes affolées se répandre légèrement dans ses mailles blanches.

Ce n’est pas une photographie volée, non plus un instant décisif mais un regard tout juste beau laissant place à une poésie contemplative libre.

Juan Les Pins 1963

Emmaüs Nieppe samedi 1 Juillet 2017

 

« Juan les pins » 1963

« Décharge interdite »

Quelques pierres éparses sur la droite que la lumière vient mettre en valeur. Un poteau ferme la verticalité gauche de la photographie, à son sommet, une pancarte indique décharge interdite. Dans l’ espace étroit restant du poteau au bord de l’image, une femme brune aux lunettes de soleil à la poitrine saillante couverte d’une robe aux genoux et de ses souliers blancs regarde le photographe. Est-ce son épouse ? Fort probablement au vu de l’intensité de son regard. C’est la seule personne à regarder vers la chambre noire parmi le nombre incalculable de personnes grouillant sur cette anse offerte à la mer.

Juan les pins, tout un symbole! Le soleil, la chaleur, la baignade, la mer méditerranée avec la température clémente de son eau. Le cadrage est vertical, afin probablement de bien incorporer le panneau signalétique de la ville « décharge interdite ». Derrière les anciennes maisons, des immeubles sont en construction. Nous sommes en 1963, pleine expansion du tourisme, la petite ville de Juan les pins va rapidement devenir une station de prédilection pour tous. Le ciel semble nuageux, signe d’une forte chaleur. De nombreuses personnes se baignent, certaines avec un caoutchouc blanc sur la tête. Ce paysage présente une mutation indéniable de notre société, la colline est déjà touchée par une barre horizontale qui tranche avec le château flanqué de ses quatre tours au sommet du mamelon. D’autres constructions sont présentes et parsèment la colline.

C’est un véritable capharnaüm, cette anse de mer à Juan-les-Pins. C’est tout son charme, une confusion où tout le monde se sent bien et vit pleinement ses vacances à la mer.

Une femme en bikini blanc prend la température de l’eau, un homme marche d’un pas franc mais

l’attraction principale reste la baignade. Toutes les personnes sont occupées à quelque chose, les enfants s’amusent avec le sable, les adultes sont en activités et de-bouts. Je ne vois que peu de personnes allongées en train de faire la sieste. Non, une activité intense règne dans ce paysage marin. Tout est action comme dans le monde du travail. Soit c’est la nage ou les châteaux de sable, ou le bateau mais pas de bronzage comme nous pourrions l’envisager normalement sur une plage ensoleillée contemporaine. Il n’y a pas plus d’une vingtaine de parasols dressés sur la plage. Ce qui indique bien, vu le nombre de personnes dans l’anse que l’espace vital restant est nul. Ceci montre que le jeu relève bien d’un acte où toute l’attention est sollicitée. Homme, enfant ou adulte continuent durant les vacances à se dépenser frénétiquement, à vivre pleinement. C’est un vrai bonheur de promener son regard dans cette image.

Il y règne une chaleur intense, les baigneurs se mélangent avec les pierres blanches et la dame brune, la seule ne faisant rien, attend, droite comme le poteau que son homme finisse sa photographie. Sait elle  qu’au dessus de sa tête, il est indiqué « décharge interdite » ? Signalétique très répandue en France à cette époque où les décharges sauvages avec les nuisibles en primes étaient répandues sur l’ensemble du territoire et même à Juan-les-Pins.

Une photographie de Juan les pins actuelle est méconnaissable. C’est un espace désertique où les Yacht au loin trônent et où l’activité intense du jeu a laissé place à une certaine oisiveté fade de l’homme contemporain avec l’odeur de la crème solaire en prime. Les immeubles ont remplacés les maisons provençales … Tout va bien. C’est sûr, il n’y a plus de décharge et la vie sans débordement a remplacé le capharnaüm de 1963.

Juan les Pins

Juan les Pins